La plupart d’entre nous connaissent bien la parabole du bon Samaritain en Luc 10.25-27. Mais du fait que nous vivons dans des cultures très différentes de celle de la Palestine du 1er siècle, il se peut que certains aspects de l’histoire nous échappent. Lorsque nous entendons ou lisons cette parabole, elle ne nous choque pas et elle ne remet pas en cause le statu quo du monde d’aujourd’hui. Pourtant, les auditeurs du 1er siècle qui entendirent Jésus raconter cette parabole auraient probablement été choqués. Le message était contraire à leur attente et remettait en cause leurs modèles culturels.

Faisons connaissance avec les protagonistes dans leur ordre d’apparition.

La parabole nous dit très peu de choses sur le premier personnage, l’homme qui a été roué de coups et volé ; mais elle nous communique un détail essentiel de l’histoire : il a été dépouillé de ses vêtements et est à moitié mort. Il a été tabassé et est allongé par terre, inconscient.1

C’est important parce que les gens du premier siècle étaient facilement identifiables au style de vêtements qu’ils portaient et par la langue qu’ils parlaient ou leur accent. Comme l’homme battu n’avait plus de vêtements, il était impossible de deviner sa nationalité. Le fait qu’il soit inconscient et incapable de parler ne permettait pas de l’identifier ni de savoir d’où il venait.

Le second protagoniste de l’histoire est le prêtre. Les prêtres juifs étaient le clergé qui officiait dans le temple de Jérusalem pendant une semaine toutes les 24 semaines. La parabole ne donne aucun détail sur ce prêtre, mais ceux qui écoutaient la parabole de Jésus auraient vraisemblablement supposé qu’il rentrait chez lui à Jéricho à l’issue de sa semaine de service dans le temple.

Le troisième personnage de l’histoire est le lévite. Si tous les prêtres étaient des lévites, tous les lévites n’étaient pas prêtres. Ils étaient considérés comme un clergé mineur et, comme les prêtres, ils servaient pendant une semaine deux fois par an.

Le Samaritain : les Samaritains étaient un peuple habitant dans la région montagneuse de Samarie, située entre la Galilée au nord et la Judée au sud. Ils croyaient aux cinq premiers livres de Moïse, mais croyaient que Dieu avait choisi le mont Garizim comme le lieu où l’on devait L’adorer, au lieu de Jérusalem.

En 128 avant J.-C., le temple samaritain situé sur le mont Garizim fut détruit par l’armée juive. Entre l’an 6 et l’an 7 de notre ère, des Samaritains dispersèrent des ossements humains dans le temple juif pour le souiller. Ces deux événements jouèrent un rôle important dans la profonde animosité qui existait entre les Juifs et les Samaritains, et qui est mise en évidence dans le Nouveau Testament. C’est dans ce contexte d’animosité culturelle, raciale et religieuse que Jésus raconte la parabole du bon Samaritain.

Notre dernier personnage est l’enseignant de la loi. Bien que cet homme ne fasse pas partie de la parabole, c’est pour répondre à sa question que Jésus raconte l’histoire. À l’époque du Nouveau Testament, les enseignants de la loi étaient des spécialistes en droit religieux qui interprétaient et enseignaient les lois de Moïse. Ils examinaient les questions difficiles et subtiles de la loi et donnaient des avis. Le motif de cet enseignant de la loi, quand il interrogea Jésus, était peut-être d’entamer un débat sur l’interprétation des Écritures. Peut-être aussi était-il en quête de vérité spirituelle.

La parabole

Luc nous dit : « Un enseignant de la Loi se leva et posa une question à Jésus pour lui tendre un piège : « Maître, dit-il, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? » La question de savoir comment obtenir la vie éternelle était débattue par les érudits juifs du premier siècle, et l’accent était mis sur le respect de la loi comme moyen d’obtenir la vie éternelle.

« Jésus lui répondit : « Qu’est-il écrit dans notre Loi ? Comment la comprends-tu ? » Il [l’enseignant de la Loi] Lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton énergie et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » 2

Comme on l’a vu tout au long des évangiles, c’était exactement ce que Jésus enseignait, et il se peut que l’enseignant ait entendu Jésus insister sur ce principe d’aimer Dieu de toutes ses forces, et d’aimer son prochain. Mais il poursuivit : « Oui, mais qui donc est mon prochain ? »3

L’enseignant de la loi veut savoir qui sont exactement les gens qu’il doit aimer. Il sait que son prochain inclut ses coreligionnaires juifs. Mais les non-juifs n’étaient pas considérés comme des prochains, bien que Lévitique 19.33-34 dise clairement que « si un étranger vient s’installer dans votre pays, traitez-le comme s’il était l’un des vôtres. Tu l’aimeras comme toi-même. » Donc logiquement, les prochains de l’enseignant seraient ses coreligionnaires juifs ainsi que tout étranger habitant dans sa ville, et il veut savoir si Jésus est d’accord. C’est donc pour répondre à la question « Qui est mon prochain », que Jésus raconte la parabole.

« En réponse, Jésus lui dit : « Il y avait un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, quand il fut attaqué par des brigands. Ils lui arrachèrent ses vêtements, le rouèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à moitié mort. »4 Bien qu’il ait été impossible de deviner la nationalité de l’homme, dans le contexte de l’histoire, les auditeurs auraient vraisemblablement supposé que cet homme était un Juif.

« Or il se trouva qu’un prêtre descendait par le même chemin. Il vit le blessé et, s’en écartant, poursuivit sa route. »5 Comme indiqué plus haut, il est probable que le prêtre revenait d’une de ses semaines de service au temple. En raison de son statut, il voyageait sans doute à dos d’âne, et donc il aurait pu transporter l’homme blessé jusqu’à Jéricho.

Le problème, c’est qu’il ne savait pas qui était cet homme, ni quelle était sa nationalité, vu qu’il était inconscient et nu. Le prêtre avait le devoir, en vertu de la loi mosaïque, de porter assistance à un autre juif, mais pas à un étranger. De plus, le prêtre ne savait pas si l’homme était encore vivant, or d’après la loi, le fait de s’approcher ou de toucher un cadavre l’aurait rendu rituellement impur. Vu les circonstances, il décida de passer son chemin en restant de l’autre côté de la route pour veiller à garder la distance réglementaire entre lui et le blessé. Peut-être aussi souhaitait-il éviter de découvrir l’identité de l’homme et s’il était encore vivant, ce qui l’aurait obligé à le secourir.

La parabole continue : « De même aussi un lévite arriva au même endroit, le vit, et, s’en écartant, poursuivit sa route. »6  Le Lévite fait la même chose que le prêtre et, en l’absence d’une injonction religieuse claire de prêter assistance, il prend également la décision de ne pas intervenir.

Le troisième personnage à entrer en scène est un de ces Samaritains haï des Juifs, un ennemi. Jésus nous relate en détail tout ce que le Samaritain fait pour l’homme mourant, c’est-à-dire tout ce qu’auraient dû faire le prêtre et le lévite qui servaient tous les deux dans le temple. « Mais un Samaritain qui passait par là arriva près de cet homme. En le voyant, il fut pris de pitié. Il s’approcha de lui, soigna ses plaies avec de l’huile et du vin, et les recouvrit de pansements. Puis, le chargeant sur sa propre mule, il l’emmena dans une auberge où il le soigna de son mieux. »7

Le Samaritain a de la compassion pour l’homme blessé ; il panse ses blessures et verse du vin et de l’huile pour les désinfecter. Ensuite, il soulève l’homme, l’installe sur sa propre monture, et l’emmène dans une auberge, probablement à Jéricho.

Mais ce n’est pas tout ! « Le lendemain, il sort deux pièces d’argent, les remet à l’aubergiste et lui dit : « Prends soin de cet homme, et tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai moi-même quand je repasserai. »8 Deux deniers représentaient l’équivalent de deux jours du salaire d’un ouvrier. La promesse du Samaritain de revenir pour rembourser d’éventuelles dépenses supplémentaires assurait la sécurité et la continuité des soins de l’homme battu.

Une fois l’histoire terminée, Jésus demande à l’enseignant de la loi : « A ton avis, lequel des trois s’est montré le prochain de l’homme qui avait été victime des brigands ? C’est celui qui a eu pitié de lui, lui répondit l’enseignant de la Loi. Eh bien, va, et agis de même, lui dit Jésus. »9

Lorsque l’enseignant de la loi Lui avait demandé « Qui donc est mon prochain ? », il voulait une réponse catégorique et bien tranchée. Mais la parabole racontée par Jésus montre qu’il n’y a pas de liste limitant les personnes que l’on est tenu d’aimer ou que l’on doit considérer comme son prochain. Jésus définit « votre prochain » comme toutes les personnes qui sont dans le besoin et que Dieu met sur votre chemin.

Par cette parabole, Jésus montre clairement que notre prochain est toute personne qui se trouve dans le besoin, indépendamment de sa race, de sa religion ou de son statut dans la société. Il n’y a pas de limite quand il s’agit de savoir à qui nous devons montrer de l’amour et de la compassion. La compassion va bien au-delà des exigences de la loi, et nous sommes même tenus d’aimer nos ennemis.

Les hommes et les femmes brisés que nous rencontrons dans la vie ne sont peut-être pas physiquement à demi-morts sur le bord de la route. Mais il y a tant de gens qui ont besoin de ressentir de l’amour et de la compassion, de recevoir un coup de main, ou d’avoir quelqu’un qui soit prêt à écouter leurs cris du cœur, pour qu’ils sachent qu’ils sont importants et que quelqu’un s’intéresse à eux. Et si Dieu vous a fait croiser leur route, c’est peut-être parce qu’Il veut que vous soyez cette personne.

Dans cette parabole Jésus définit les vrais critères de l’amour et de la compassion ; et en conclusion, voici les paroles qu’Il nous adresse, à vous et à moi, ses auditeurs d’aujourd’hui : « Eh bien, va, et agis de même. »

  1. Cf. Luc 10.30.
  2. Luc 10.26–27 BDS
  3. Luc 10.29 BDS
  4. Luc 10.30
  5. Luc 10.31
  6. Luc 10.32
  7. Luc 10.33–34
  8. Luc 10.35
  9. Luc 10.36–37